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Protéger les innovations dans le domaine de l’électronique, un vrai challenge

Publication: Juin 2018

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Le projet de loi PACTE pour la croissance et la transformation des entreprises est discuté en ce moment au Conseil des Ministres...
 

Depuis de nombreuses années, l’Etat français et l’Europe ont mis en œuvre des mécanismes de protections juridiques pour soutenir l’innovation et pour limiter notre dépendance aux pays concurrents. Par exemple, l’Europe a construit le brevet Européen dans les années 70 en indiquant que les programmes d’ordinateur ne peuvent être protégeables pour limiter notre dépendance aux sociétés américaines qui étaient les seules à développer des logiciels (notamment Microsoft® et IBM®). Dans les années 80, pour soutenir le développement des entreprises françaises de logiciel, d’autres protections ont été utilisées, telles que le droit d’auteur. Par la suite, les jurisprudences de l’Office Européen des Brevets ont défini une interprétation de la loi qui permet de protéger également certaines inventions mises en œuvre par ordinateur. Il s’ensuit qu’une invention mise en œuvre par ordinateur peut désormais être protégée à la fois par le mécanisme du droit d’auteur et du brevet.

Contrairement à d’autres domaines techniques, il existe aujourd’hui un grand nombre de mécanismes de protections juridiques distincts qui peuvent être utilisées sur un même produit électronique. En effet, en théorie, un produit électronique peut être protégé à la fois par le dessin et modèle, la marque, la topographie des semi-conducteurs, le droit d’auteur, le droit sui-generis des bases de données et le brevet.

Ce projet de loi est l’occasion de revenir sur ces différents mécanismes de protections disponibles en France afin de permettre aux entreprises françaises travaillant dans le secteur de l’électronique d’innover en utilisant les mécanismes de protections adéquats.

Le premier élément distinctif d’un produit électronique est son apparence. Cette apparence peut être protégée par le mécanisme du dessin et modèle. Pour ce faire, l’apparence doit être caractérisée par des éléments visuels, par exemple ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou les matériaux utilisés. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation et doivent être déposées à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle).

Dans le domaine de l’électronique, un produit peut être protégé s’il possède une apparence nouvelle avec un caractère propre, c’est-à-dire qu’il ne doit pas susciter une impression de déjà-vu dans son ensemble. La protection par dessin et modèle a été largement utilisée dans l’affaire Apple/Samsung puisque la société Samsung® a été condamnée en partie pour avoir reproduit des smartphones présentant une forme avec des bords arrondis proches de modèles préalablement déposés par la société Apple®. Certains commentateurs peu éclairés ont cru qu’il était possible de protéger un téléphone avec des bords arrondis par brevet en effectuant une traduction erronée du terme "Design Patent" qui correspond au mécanisme de dessin et modèle dans le système américain.

Passée l’apparence d’un produit, le second élément distinctif est souvent la marque ou le logo apposé sur le produit. La marque et le logo peuvent également être protégés par un dépôt à l’INPI s’ils répondent aux exigences de disponibilité et de distinctivité. Ainsi, avant de choisir une nouvelle marque pour un produit électronique, il convient de rechercher si cette marque est déjà utilisée dans le domaine de l’électronique ou si elle correspond à une marque notoire (Nike® est une marque notoire par exemple). Pour obtenir un droit d’interdire à un concurrent d’utiliser cette marque suite à un dépôt à l’INPI, il faut également vérifier que la marque est distinctive, c’est-à-dire qu’elle ne décrit pas directement le produit couvert par la marque. Par exemple, une marque de gyroscope dénommée "Gyro" serait probablement jugée non distinctive.

Outre les éléments extérieurs, un produit électronique contient une carte électronique dont les choix de routage peuvent théoriquement être protégés par le mécanisme de la topographie des semi-conducteurs. En effet, il est considéré qu’en dehors de tout aspect technique, deux ingénieurs qui doivent réaliser une carte électronique peuvent effectuer des choix de routage différents et ce mécanisme vise à protéger ces choix de routage. En pratique, ce mécanisme est très peu utilisé car il est souvent impossible de distinguer les contraintes techniques des choix de routage. Le développement des vêtements électroniques amènera peut être un développement de ce mécanisme de protection car les pistes électroniques pourront être visibles sur les vêtements et il sera recherché une certaine esthétique dans le positionnement de ces pistes.

Par ailleurs, l’influence des choix techniques d’un ingénieur parmi plusieurs possibilités techniques est déjà protégée par le droit d’auteur, notamment pour la protection des codes informatiques. En effet, tel qu’expliqué en préambule, le droit d’auteur a longtemps été le seul moyen de protéger une invention dans le domaine informatique et de nombreux contentieux ont été menés dans ce domaine sur la base de droits d’auteurs. Pour justifier d’un droit d’auteur, il convient de montrer l’influence d’un auteur sur le code informatique. Par exemple, la société IBM® a choisi de nommer ces variables en débutant par les lettre "IBM" de sorte que si un concurrent reproduit un code de la société IBM®, cette société peut montrer facilement que le choix de la dénomination des variables est couvert par un droit d’auteur car il ne correspond pas à une contrainte technique.

Le droit d’auteur présente l’avantage de naître lors de la réalisation du code informatique et il n’est pas nécessaire d’effectuer un dépôt à l’INPI. Lors d’un procès, il est cependant nécessaire de montrer que l’auteur avait réalisé le code avant son concurrent. Pour ce faire, il est conseillé de déposer plusieurs version du code lors des développements chez un huissier ou à l’APP (Agence de Protection des Programmes). Cependant, le droit d’auteur est limité à la manière dont est rédigé un code informatique, si bien qu’un concurrent qui voudrait reproduire un programme informatique en recodant par ses propres moyens les fonctions du programme protégé ne devrait pas être inquiété par le droit d’auteur.

De la même manière que le droit d’auteur protège l’extraction d’un code informatique par un concurrent, le droit sui-generis des bases de données protège l’extraction d’informations contenues dans une base de données. Pour justifier d’une protection, il faut montrer un investissement dans la constitution, la vérification ou la présence du contenu de cette base. Comme le droit d’auteur, le droit sui-generis des bases de données ne nécessite pas de dépôt à l’INPI et la constitution de ce droit passe souvent par la définition des contrats de travail des personnes en charge de mettre en forme et d’adapter la base de données.

Dans le domaine de l’électronique, le brevet d’invention est le meilleur mécanisme qui permet de protéger tout ou partie d’une innovation sur un dispositif ou un procédé. Contrairement au droit d’auteur qui protège la manière dont un code est rédigé ou le dessin et modèle qui protège l’apparence d’un produit, le brevet d’invention permet de protéger une solution technique à un problème technique. Cette solution technique doit faire l’objet d’un dépôt à l’INPI et le brevet est le droit le plus cher à acquérir car chaque demande de brevet d’invention fait l’objet d’un examen complexe avant qu’il puisse être délivré. Pour qu’une invention soit brevetable, il faut qu’elle soit nouvelle, c’est-à-dire différente de tout ce qui est connu avant la date de dépôt, qu’elle ne soit pas évidente pour un homme du métier et qu’elle soit susceptible d’application industrielle.

Dans le domaine de l’électronique, il est possible de déposer un brevet d’invention pour une invention mise en œuvre par ordinateur. Pour cette catégorie d’invention, il faut également regarder si cette invention n’est pas exclue de la brevetabilité ca[r elle constitue un programme d’ordinateur "en tant que tel". Selon la jurisprudence actuelle, une invention n’est pas un programme d’ordinateur en tant que tel dès qu’elle a un impact dans la vie réelle allant au delà du fonctionnement normal d’un ordinateur. Ainsi, une demande de brevet de la société IBM® a été refusée bien qu’elle portait sur un programme très performant permettant de réaliser des résumés automatiques de texte. En effet, la remise en forme d’un texte n’a pas d’impact dans la vie réelle contrairement à un programme d’ordinateur qui permettrait de commander l’injection de carburant dans un moteur ou l’activation d’un dispositif de climatisation.

Pour conclure, il existe un grand nombre de mécanismes de protections possibles dans le domaine de l’électronique. Alors que la valeur des entreprises dépend de plus en plus des portefeuilles immatériels, il est crucial pour les entreprises françaises œuvrant dans le domaine de l’électronique de comprendre ces différents mécanismes afin de les utiliser à bon escient et/ou de comprendre la portée des droits des concurrents. »

http://www.laurentcharras.com

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