L’expédition « Double Top » a eu lieu cet été (juin-juillet 2007) au Groenland avec pour objectif de nous sensibiliser à l’impact du réchauffement climatique. Le Groenland, la plus grande île de l’hémisphère nord, a un rôle majeur dans la régulation du climat planétaire et est la principale réserve en eau douce avec l’antarctique.
Cette expédition menée conjointement avec le GREA et Green Cross International, pour un budget de 200 000 €, a été essentiellement financée par des entreprises et des financiers. Elle était menée par Luc Hardy, président de la société de financement et de conseil Sagax. Luc est un grand amateur d’exploration. Pour cette expédition, il avait rassemblé une équipe de scientifiques du GREA (Groupe de Recherche en Ecologie Arctique), un guide photographe et quatre enfants de 4 à 16 ans, témoins pour les prochaines générations.
En 30 ans d’expéditions scientifiques et bénévoles, les naturalistes du GREA ont acquis une expérience unique dans le domaine de l’écologie des régions arctiques. Les résultats de leurs travaux ont été publiés dans les plus prestigieuses revues scientifiques internationales. Parmi eux, Olivier Gilg et Brigitte Sabard ont participé depuis 1990 à une vingtaine d’expéditions du GREA au Groenland, au Svalbard, en Sibérie, dans l’Arctique canadien et en Alaska. Adrian Aebischer et Nette Levermann ont eux aussi participé à plusieurs expéditions du GREA au Groenland.
Fondée par Mikhaïl Gorbatchev, Green Cross International (GCI) est l’une des rares organisations à concentrer son action sur le lien entre sécurité, pauvreté et environnement.
GCI s’engage sur des questions contemporaines fondamentales telles que l’accès à l’eau potable, les énergies renouvelables, la prévention et la résolution de conflits portant sur la dégradation des ressources naturelles. L’organisation assiste les populations affectées par les conséquences de ces conflits et les catastrophes naturelles. Son Conseil d’administration compte parmi ses membres des personnalités aussi distinguées que Shimon Peres, Mário Soares, et Jan Kulczyk, pour ne citer qu’eux.
Mesurer l’impact du réchauffement climatique sur la faune et la flore et étudier le comportement des mouettes blanches, ours polaires, baleines boréales, lichen…
Atteindre le Mont Hvitserk, plus haut sommet du Groenland (3693m) symbole de la fonte de la calotte glacière puis se rendre sur le point le plus au Nord de notre planète, une région très riche en biodiversité.
Dès les premiers jours, l’équipe a pu voir des Mouettes Ivoires.
La mouette ivoire est l’oiseau de mer le plus septentrional (tant lors de sa reproduction qu’en hivernage) mais semble aujourd’hui très menacé. C’est 80 à 90% de la population canadienne qui a disparue en 20 ans. L’étude de son comportement et de la dynamique de ses populations revêt donc un intérêt particulier dans le contexte de cette diminution importante et rapide des effectifs.
Quelques mouettes ivoire ont été équipées de balises satellite miniaturisées. Elles pèsent 12g et sont alimentées par un micro panneau solaire. Elles permettent de suivre les déplacements des mouettes sur plus d’un an. Ces importants équipements ont déjà permis le pistage de ces oiseaux sur leur très long voyage à travers l’Arctique (grâce au système Arcos).
Lors de cette expédition l’équipe a rencontré plusieurs espèces d’oiseaux, entre autre, des oies à bec court (plus de 500 individus). Il est à noter que l’Est du Groenland est peut être en train de devenir une région de mue pour ces oies. Elles viennent d’Islande pour muer et non plus pour nicher.
Parmi ces oiseaux, deux Labbes à longue queue ont été équipées d’un transmetteur, l’une d’entre elle, baptisée Lucy, a quitté sa zone de nidification et a volé vers le bas du Groenland par sa côte est, et migre maintenant vers le sud. En 25 heures, entre le 19 et 20 juillet, Lucy a parcouru plus de 900 km !!
Durant l’expédition, l’équipe a pu voir un total de 13 ours. Deux ours sont venus très près du campement (une douzaine de mètres) et l’équipe a dû utiliser des fusées de détresse et les fusils pour les effrayer. Des photos et des vidéos ont été réalisées et envoyées au Danemark pour déterminer le sexe et la taille de ces grands animaux blancs.
Au sommet de l’arctique (Mont Hvitserk), au point le plus au nord sur cette terre (Kaffeklubben dans le Nord du Groenland), un itinéraire ambitieux et symbolique, l’équipe a fait de très intéressantes découvertes. Elle a pu recueillir des échantillons de lichen, de coquelicot et de saxifrage, plante connue pour sa capacité à s’installer dans des fissures de rochers.
Cette expédition, en marge de l’année polaire internationale, a fait un travail de terrain pour évaluer les changements en cours dans les communautés animales et végétales.
Bien que reculées et non habitées, les régions polaires sont parmi les plus polluées du globe car de nombreux courants marins et atmosphériques s’y rejoignent. La collecte d’échantillons (plumes et duvets) des mouettes ivoires, permettra d’étudier la dynamique spatiale des polluants chimiques et organiques (métaux lourds notamment) et d’évaluer de façon comparative leur accumulation dans les réseaux trophiques terrestres et marins.
Michel ARNAUD