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Microélectronique et intelligence artificielle : duo gagnant… ou pari risqué ?

Par François Cerisier, CEO et fondateur de Aedvices

Publication: 28 juin

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L’intelligence artificielle bouleverse aujourd’hui les processus de conception et de vérification des circuits intégrés. Une étude récente publiée dans Nature Communications par des chercheurs de Princeton et de l’IIT Madras illustre d’ailleurs bien cette transformation...
 

Elle explore une approche « inverse » de la conception de circuits intégrés de télécommunications, où l’IA définit d’abord les propriétés électromagnétiques attendues avant de générer les modèles fonctionnels. Ceci évite ainsi un grand nombre d’itérations successives. Cette méthodologie ouvre des perspectives prometteuses, mais soulève aussi de sérieuses questions en matière de fiabilité et de traçabilité.

Alors si l’IA permet d’optimiser des tâches complexes et d’accélérer le développement des semi-conducteurs, peut-elle réellement se substituer à l’expertise humaine ? Et surtout, l’industrie peut-elle se permettre de lui accorder une confiance aveugle ?

L’IA, un accélérateur pour le design de circuits intégrés

Aujourd’hui, les capacités d’optimisation et de génération automatisée de l’intelligence artificielle sont telles que des tâches de conception autrefois longues et fastidieuses sont désormais réalisées en un rien de temps. Cette rapidité représente un avantage considérable, notamment face à l’explosion de la demande en semiconducteurs, le marché mondial en hausse de 18,8 % en 2024, devrait atteindre les 110 Mds$ en 2025, portée par la multiplication des data centers et des objets connectés.

Du reste, l’impact de l’IA sur le time-to-market est indéniable. En effet, l’automatisation réduit considérablement les délais de conception et de production des semi-conducteurs. Et c’est un atout stratégique alors que l’Europe investit massivement pour renforcer sa souveraineté technologique.

Toutefois, si l’IA réalise des architectures optimisées, elle ne possède pas la capacité d’intuition et d’anticipation propres aux ingénieurs expérimentés. Or, l’innovation dans la microélectronique repose sur la capacité à imaginer des approches inédites, adaptées à des contraintes spécifiques. Une IA peut produire un circuit fonctionnel, mais ne saurait concevoir une architecture réellement innovante. Et lorsqu’elle intervient dans les processus de conception, se pose inévitablement la question de l’exactitude des résultats obtenus.

Vérification et fiabilité : un défi majeur pour l’intégration de l’IA

L’essor de l’intelligence artificielle transforme la conception des circuits électroniques et réduit les délais de développement. Pourtant, si ces avancées offrent un gain de productivité considérable, elles posent également la question de la viabilité des puces produites, notamment dans les secteurs critiques (aéronautique, défense, énergie…). Dans ces domaines, où la moindre défaillance peut avoir des conséquences irréversibles, les normes imposent une traçabilité stricte : chaque ligne de code et chaque composant doivent être rigoureusement validés par des experts.

Nous pourrions imaginer que l’IA se positionne comme experte et assure cette validation. Cependant, l’IA ne peut pas, à elle seule, garantir l’exactitude de ce qu’elle produit. En cause, “le biais de confirmation”, qui peut également s’appliquer aux systèmes d’IA. En effet, si une IA valide un design qu’elle a elle-même généré, elle peut renforcer des erreurs sans qu’aucun contrôle humain ne vienne les détecter.

Identifier et corriger ces erreurs devient alors un véritable défi. D’une part, parce que les décisions prises par l’IA restent souvent opaques et rendent complexe l’identification des failles. D’autre part, parce que ces systèmes ne s’appuient sur aucune norme de conception définie par les ingénieurs. Résultat : un simple bug peut entraîner d’importants retards, des coûts imprévus, voire pires.

Ces risques expliquent pourquoi l’IA peine encore à s’imposer dans les systèmes critiques. Même si certaines industries adoptent progressivement ces outils, elles se doivent de rester prudentes et établir un contrôle humain renforcé pour garantir la conformité.

Un avenir maîtrisé : vers une IA au service des ingénieurs

Ainsi, malgré son potentiel, l’IA ne pourra pas remplacer l’expertise humaine, en particulier dans les secteurs critiques. En effet, les IA génératives peuvent produire des résultats erronés, voire contradictoires, sans en avoir conscience, un phénomène connu sous le nom d’“hallucination”. Pire encore, si une IA valide elle-même ses propres productions sans contrôle externe, alors elle peut renforcer ces erreurs par un biais de confirmation. Elle ne peut se substituer à l’analyse critique des ingénieurs.

Son intégration dans les processus de conception nécessite donc la mise en place de méthodes et de normes adaptées afin d’éviter la production de circuits difficiles à vérifier ou non conformes aux exigences industrielles. Dans les secteurs critiques, la séparation entre conception et validation est déjà une pratique courante. L’appliquer à l’IA permettrait de limiter les risques et de garantir ainsi une meilleure fiabilité.

C’est pourquoi l’instauration de normes précises sera indispensable pour encadrer l’usage de l’IA dans l’industrie des semi-conducteurs. Un cadre réglementaire clair renforcerait la transparence des processus et la fiabilité des résultats. A défaut de normes strictes, une méthodologie de référence claire doit être définie, à l’instar des approches basées sur UVM, afin d’encadrer les bonnes pratiques.

Dans ce contexte, l’Europe, qui investit massivement dans les semi-conducteurs pour renforcer sa compétitivité, devra veiller à ce que cette transition technologique se fasse sans compromettre la qualité et la sécurité. Seule une approche rigoureuse et encadrée permettra au continent de s’imposer comme un acteur majeur de la microélectronique de demain.

https://www.aedvices.com/

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